Faire venir les investisseurs
Il s’agissait d’être «responsive». A l’Elysée, on répète à l’envi ce terme anglais, que l’on peut traduire par «réactif», pour vanter le lancement, ce jeudi, de la «plateforme Internet» Make Our Planet Great Again, du nom du désormais fameux slogan lancé par Emmanuel Macron le 1er juin, deux heures à peine après la décision de Donald Trump de faire sortir les Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat. Le président français avait alors réitéré son appel (déjà formulé lors de sa campagne) aux scientifiques, ingénieurs, entrepreneurs et citoyens «déçus par la décision du président des Etats-Unis» à rejoindre la France pour «travailler ici avec nous, ensemble, à des solutions concrètes pour notre climat et notre environnement». Dans la langue de Shakespeare, of course. Huit jours après, le site web, déjà mis en ligne, se veut la «concrétisation» de cette annonce. Pour l’instant uniquement en anglais (il sera étoffé et traduit en français dans les prochains jours), celui-ci reprend la charte graphique et visuelle tout en dégradé de bleu et de vert utilisée dans le – très successful, puisque déjà retweeté 240 000 fois – tweet présidentiel du 1er juin. «Epuré, simple, entièrement responsive», le site vise officiellement à «faciliter la mobilisation pour la protection de notre planète de celles et ceux qui souhaitent s’investir dans des projets, poursuivre des recherches, entreprendre, rechercher des financements ou s’installer en France». Plusieurs ministères se sont associés pour développer l’outil (Transition écologique et solidaire, Europe et Affaires étrangères, Economie, Enseignement supérieur, recherche et innovation), porté par Business France, l’Agence nationale chargée du développement des exportations et des investissements nationaux en France. Concrètement, chaque «citoyen responsable» du monde qui clique sur la page d'accueil peut d’abord, s’il le souhaite, revoir le «manifeste» vidéo présidentiel. Ensuite, le chercheur, entrepreneur, membre d’ONG ou étudiant est invité à «s’engager dans un tunnel de qualification» (sic). Comprenez : cliquer sur une série de pages, pour identifier son pays d’origine, expliquer pourquoi on souhaite s’engager dans la lutte contre le changement climatique, ce sur quoi on travaille, quel est notre «rêve». Suit alors un petit topo sur l’attractivité de la France, «votre nouvelle patrie», riche de prix Nobel, de médailles Fields, d’universités prestigieuses et d’un «écosystème de start-up effervescent», et voilà le postulant dirigé vers des «opportunités business», des conseils pour financer son projet, pour s’installer, ou encore des contacts utiles (sites web, adresses email et numéros de téléphone). Ceux qui ont des questions peuvent remplir un formulaire en ligne et se voient promettre une réponse sous trois jours ouvrables. L’idée étant d’être «le plus responsive possible [si, si, encore !], avec une vraie expérience client». Le ton est donné : bienvenue dans la «start-up nation». A l’Elysée, on jure que le site «sera beaucoup plus qu’un simple annuaire» masquant une jolie opération de communication, qu’il s’agira pour les postulants étrangers d’avoir «accès à une information privilégiée et un point de contact direct, permettant d’accélérer leur installation». Quant à savoir si le nouveau leadership français affiché sera accompagné de ressources budgétaires supplémentaires pour permettre réellement d’offrir des postes aux chercheurs (alors que ceux-ci sont déjà rarissimes et âprement disputés) et de les payer, on botte en touche. «Nous réfléchissons à des techniques de cofinancements», répond un conseiller. «Le but est d’enclencher un mouvement. Travailler sur la rénovation énergétique des bâtiments ou le développement des énergies renouvelables – y compris sur le volet stockage –, ce sont aussi des opportunités business, d’où l’intérêt d’attirer des entrepreneurs», ajoute un autre. On le comprend, en creux : plus que de nouveaux fonds publics accordés au CNRS, il s’agira surtout de recourir aux financements privés.
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